samedi 4 décembre 2010

LA VACHE AU MOULIN




Chanson nouvelle d’un Tourquenoy qui a sauvé sa vaque dans un molin à vent.


Quiantons pour passé le tem
Un sujet assé plaigean
Arrivé, tant pire,
Dans le bourgue de Tourcoing .
Cela vient bien mal à point :
Je sauroy nen rire !

Ché d’un peti censiero,
Le propre cousin Piro
Loua à un homme
Huit cent de terre et un prêt
Qui ni avoit trois cherigiez
Et un arbre à prone.

Le mettre de cele mageon
Ly va dire tout de bon :
« Vous savez, Gros Jacques,
Que vous me devez assez ;
Si vous voulez nien payez,
Je ferai emmener vo vaque ! »

Gros Jacques a parler biau
En deffulant son capiau,
Digean : « Je vous jure,
Je vous d’aporterai demain :
Je vendray mon fuer et l’estrain,
Et je batteray men bure… »

Le mestre, oyan ces raigeons,
A sorty hors de le mageon ;
Sitôt dit Gros Jacques :
« Il pense bien en ce jour
De me jué un bon tour :
Mi je voy muché me vaque ! »

Sa femme dy en pau après :
« Hu aice que te le veu muchié ? »
Tout par-tout il cache.
« Je le voy muchié au molin :
Le mannier chez men cousin,
Il me fera bien plache ».

En estant priet du moulin,
Che Tourquenoy, pour certain,
A dis à se vaque :
« Te n’a qu’à monté doucement ;
Te tra si been la-dedans,
Ty demeura dequ’à Pâques ! »

Le vaque ne vouloit nen monté
Sur ce molin eslevé.
Le Tourquenoy en rage
Il y dy : « Monte hardiment !
Ossitôt que te tra devent,
Tara du molage ».

Ne savant nen le faire monté,
Il estoit been tourmenté.
Sitôt dy Gros Jacques :
« Hun fait been monter un sa
Avecque la corde que vela :
Elle eslevra been me vaque ! ».

Ossitôt il a loyer
Se vaque par le gosier ;
Le vent avoit force ;
L’ellevant au bout du molin,
Sitot dy à sen cousin :
« Vuet quement qu’elle baloche ! ».

Quand elle fut ben haut eslevé,
Sa langue quemencha à trenné
Un pied hors de se tieste.
Le Tourquennoy dis soudain :
« Vela qu’elle sen le goût du grein :
Vuet quement qu’elle se pourlec ! »

Cian que le vaque fut au molin,
Le Tourquennoy dis soudain :
« Queulle triste affaire !
Vela me vaque estrannée,
Car elle ne peu pu remuer ! »
Il a quemencher à braire !