mercredi 30 juin 2010

XXXVII LES CABARETIERS



Chanson plaisante sur la fourberie des cabaretiers touchant le temps d’à présent par Brûle-Maison.


Lucifer a commandé
Au diable des cabaretiers
D’aller en campagne,
Faire un tour dans le pays
Pour attraper ses amis,
Même leur compagne.

Ce diable sortant d’enfer,
Demande à Lucifer :
« les faut-il tous prendre ?
Non, prend seulement par hasard
Ceux qui le vendent six patards,
J’en ferons des cendres.


Prends aussi en ton chemin
Ceux qui ne tirent pas plein
Les pots et les peintes ».
Le diable dit tout de bon :
« C’est une grande commission
Car il y en a mainte !

Il est vrai, dit Lucifer,
Ceux-là viendront aux enfers
Sans qu’on les emporte ;
Tache d’attraper quelqu’un
De ces marqueurs deux pour un,
Met-les dans ta hôte.

Apporte aussi aux enfers
Tous ces cocus volontaires,
Qui laissent leur femme
Caresser cent fois le jour,
Et font l’aveugle et le sourd,
Chatie ces infâmes.

N’oubli point les Cabarets
Où ils tiennent en quantité
Des filles volages,
Attirant par leurs façons
Des hommes et des garçons,
Gattant leur ménage.

Visite aussi en chemin
Les vendeurs de brandevin
Qui mont du poivre
Trempé dans l’eau une nuit,
Puis le mont dans l’eau-de-vie
Sans qu’on l’apperçoive.

Apporte-moi en fureur
Des cabaretiers traiteurs
Par-tout il y en a mainte :
Si l’on mange pour huit sous
De quelque viande en ragoût ,
Ils en content vingt.

Attrape les parderrière,
Ceux que leur petite bière
Ont mis dans la bonne,
Et les châtreurs de fagots
Les faut mettre sur ton dos,
N’épargne personne ».

Ce pauvre diable d’enfer,
Répondit à Lucifer :
« Je ne peux tout prendre !

Il y en a tant de ces gens-là
Dans les villes du Pays-Bas,
Ma hôte est peu grande ».
Lucifer lui dit : « Tais-toi,
N’en prend que douze à la fois,
Coure d’un grand zèle
Peu à peu nous aurons tous
Quoiqu’il y en eut beaucoup,
Laisse les fidèles ».

Prends garde, cabaretiers,
Car s’il passe en ce quartier,
Il a de la science
Pour attraper les mutins,
Ou bien remettez la main
A la conscience.

Car dedans Ath et Tournay,
Valenciennes, Mons et Douay,
Arras, Béthune, Aire,
Dunkerque, ipres et St. Omer
Ce diable en a emporté
Bien cinq cens en l’air.

S’il vient ici par besoin,
J’crois qu’il n’y en a pas moins
Que dans d’autre place ;
Il est déjà à Quesnoy,
En passant en a mis trois
Dedans sa besasse.



A noter, ici l’emploi du français et non du picard (darus).
Notre Brûle-Maison parlait les deux langues.

lundi 7 juin 2010

DIALOGUE


DIALOGUE entre un Flamand et une Daruse de la paroisse de St Sauveur.
(le mot daruse se traduit par chti, un daru(s) une daruse).
Air noté n° 3.

LE FLAMAND
Bon zour Jofvrouw, mon cœur,
Moi venir tout-à-l’heure
Te faire de l’amourese ;
Bon zour Jofvrouw, mon cœur,
Moi venir tout-à-l’heure,
Va de moi l’ai pas peur :
Je le suis de Bruxelles,
Belle jolie mamezelle ;
Je le suis venu pour trois mois,
Pour l’apprendre le bon François,
Vous, mamezelle l’apprendre moi.

LA FILLE DE ST SAUVEUR
Mi je ne vous entend point,
Vo fichu baragouin,
Wettiez in pau che Flaüte ;
Mi je ne vous entend point
Vo fichu baragouin,
Sommes nous ichi à Tourcoing ?
Vous parlez tout dervierre,
Je ne suis point mamazele,
Je suis une fille de Saint Sauveur,
Pauvre, mais ben riche en honneur,
Ne mé fiché point malheur.

LE FLAMAND
Moi le suis garçon Flamand,
Z’ai beaucoup de l’arzent
De mon père et de mon mère ;
Moi le suis garçon Flamand,
Z’ai beaucoup de l’argent,
Beaucoup de l’habillement ;
Si vous voulez, madame,
L’être mon petite femme,
Toi li couchera avec moi,
Moi li couchera avec toi,
Dites ben oui par ma foi.

LA FILLE DE ST SAUVEUR.
Ti couqué aveuque mi,
Ta ben fé va toudi !
Va t’en Flamend de Bruxelle ;
Ti couqué aveuque mi,
Mi couqué aveuque ti,
Mi je veux rester drochi ;
Va t’en vir tes mamezelles,
U ben tes trois Puchelles :
Le Mann’ qui piche à cheu qu’un di,
Qui jour et nuit pichet oudi,
Va t’en couqué tout près de li.

LE FLAMAND
Moi l’ai beaucoup d’écus,
D’escalins encore plus,
Pour li acheter une femme ;
Moi l’ai beaucoup d’écus,
D’escalins encore plus,
Pour point coucher sur la rue,
Que mon père me donne :
Viens mon petit cochonne,
Viens-moi me baiser volontiers,
Toi l’aura tout men’amitié.
Quand j’aurai toi marié.

LA FILLE DE ST SAUVEUR
Je n’ai que faire de t’n’argent,
Je n’ai point besoin d’un Flament ;
Y sont plus lourds que des biettes :
Je n’ai que faire de t’n’argent,
Je n’ai point besoin d’un Flament,
J’aim’ mieux un Lillois qui n’a rien.
Si j’étais te femmelette,
Te ferait tourner m’tiette,
Aveuque ti je ne sarot tout d’bon
Betôt ni Flamen ni Wallon,
J’aime mieux rester à m’mason.

LE FLAMAND
Toi le veut pas de moi,
Moi le veux pas de toi ;
Ze trouverai bien d’autre fille :
Toi le veut pas de moi,
Moi le veut pas de toi,
Adieu la belle je m’envoi.

LA FILLE DE ST SAUVEUR
Adieu fichu Flaüte,
Va t’en avec tes flûtes ,
Ne reviens plus den nos endrot,
Mi je veux mettre d’sus men dot,
De l’hierbe que je connot.